La montée des prix au XVIème siècle provoque de nombreux commentaires qui sont à l'image de ceux qu'on peut entendre aujourd'hui, reflets de sensibilités politiques qu'on retrouve finalement à travers les siècles. Les discours de droite aujourd'hui sont des reprises de vieilles antiennes qui ont traversé les siècles....
Voici ci-dessous un extrait du livre de Fernand Braudel : "La Méditerrannée et le monde méditerrannéen à l'époque de Philippe II". (Le Livre de Poche)
Les doléances des Cortès de Castille se répètent à travers le siècle entier. Mais cette grande voix savoureuse et bornée se sera rarement élevée jusqu'au général. Elle peste continûment contre la cherté des grains, l'exportation catastrophique de l'or, l'abattage inconsidéré des veaux et des agneaux, autant de causes de renchérissement ; ou bien contre l'exportation des cuirs vers l'étranger qui, certainement a accru le prix des souliers... Elle fulmine aussi contre les spéculateurs étrangers : ils font augmenter la viande, les chevaux, la laine, les tissus, les soies.... Les Cortès de 1548, effrayées des demandes américaines, vont jusqu'à proposer à l'empereur d'encourager le développement d'industries coloniales et d'arrêter les exportations, jugées désastreuses, de la Péninsule vers le Nouveau Monde. Les Cortès de 1586 ( à Valladolid) demandent au roi "de ne plus tolérer désormais l'importation de bougies, de verroteries, de bijouterie, de coutellerie et d'objets analogues venant de l'étranger pour être, quoique inutiles à la vie, échangées contre de l'or, comme si les Espagnols étaient des Indiens....".
Ainsi discourent des hommes raisonnables, et ils n'ont pas toujours tort.
Un Vénitien, en 1580,note que les prix, à Naples, ont monté de plus des deux tiers. La chose à peine dite, Il l'attribue aux exactions des fonctionnaires, aux achats massifs, aux énormes provisions du Roi Catholique pour la conquête du Portugal... En Biscaye, les prix montent, c'est que les gens du plat-pays, dit un rapport officiel de 1588, boivent et mangent sans retenue dans les tavernes, qu'ils y prennent des habitudes visieuses de paresse, ne cultivant plus leurs champs, ne cueillant plus les fruits de leurs vergers. Que l'on s'étonne ensuite si le cidre est rare et s'il se vend à des prix excessifs ! Ici la cherté serait la faute des pauvres...