Voici ci-dessous une analyse de jacques Chastaing, notre copain de Mulhouse.
Texte de J Chastaing:
"Nous sommes déjà en situation de grève générale depuis l'hiver 2008, au
sens où Rosa Luxembourg utilisait cette formule. Une grève générale ne
surgit pas comme un éclair dans un ciel bleu. Il lui faut des années. Elle
prenait un exemple de dix ans de luttes, qui démarraient sur un aspect
partiel, passaient à des luttes générales politiques puis se repliaient en
une multitude de luttes locales économiques, s'estompait un moment,
redémarrait sur un scandale politique ou dans une localité, puis reprenait
un caractère général à un niveau plus élevé, mais toujours sur le même fond
déterminé par une période. Une grève générale a besoin de dizaines de
milliers de militants qui y sont préparés, qui ont muri la question par leur
expérience, qui savent qu'ils ne pourront pas compter sur les directions
syndicales ou de gauche pour cela. Il faut que des couches populaires encore
plus larges aient expérimenté aussi qu'il n'y a pas d'autres solutions.
Or au printemps 2009 et encore plus dans le mouvement des retraites, c'est
ça qu'ont commencé à expérimenter des millions de personnes. On a vu
réapparaitre la classe ouvrière en lutte sur la scène sociale et politique
deux fois en peu de temps. On a vu la détermination de ses militants. On a
vu sa puissance par le fait que même par un mouvement minoritaire elle a pu
quasiment bloquer toute l'économie. C'est autre chose que les perspectives
offertes par un vote PS aux élections.
On a vu aussi la solidarité ouvrière renaissante par delà les professions et
les générations. Bien des militants de bords divers, par delà les frontières
de partis ou des syndicats, se sont reconnus dans la lutte, se sont
rencontrés et découverts, faisant par là le socle militant d'une nouvelle
étape plus forte, plus consciente pour demain. Bine sûr, nous revenons de
loin, il y a beaucoup à réapprendre. Mais il y aura une nouvelle étape qui
partira sur les salaires, les conditions de travail ou encore tout autre
chose tant que le cycle ouvert par la crise ne sera pas refermé.
Des centaines de milliers de prolétaires ont connu l'explosion de fraicheur
du printemps, la grève générale au Antilles, puis la trahison syndicale et
l'émiettement de multiples luttes économiques locales en particulier dans la
sous traitance automobile contre les fermetures et les licenciements. Il y a
eu le redémarrage dix mois après, d'un mouvement qui cherche par la lutte
des retraites le chemin de la grève générale, avec des militants de base qui
affirmaient leur méfiance à l'égard de leur direction, puis le déplacement
de cette lutte sur le terrain politique avec le scandale Woerth/Bettencourt.
Puis encore une bifurcation sur la lutte par substitution en bloquant les
moyens de transport.
Demain, le mouvement vers la grève générale repartira sur autre chose, les
salaires peut-être puisque nous entrons dans une phase de négociations
salariales et il franchira alors une nouvelle étape. Nous verrons bien. Les
mouvements de masse doivent apprendre par eux-mêmes, mais soyons en sûr,
nous assistons à la naissance de notre force. La lutte est devant nous. Si
nous connaissons un coup de blues au cas où la lutte s'arrêtait là, ça ne
durera pas. Il y a de fortes chances que ceux qui ont participé à cette
lutte ou l'ont suivi ne soient pas démoralisés durablement. Personne n'avait
d'illusions sur ce que pouvait donner ce mouvement. Les grévistes et les
manifestants agissaient par nécessité, pour ne pas accepter sans rien dire.
Et l'espoir qui est né dans les premières semaines d'octobre n'était pas
tant de gagner sur les 60 ans que de renverser cette société d'injustice.
D'une telle expérience on n'en sort pas démoralisés mais encore plus enragés
pour demain avec une soif de comprendre plus grande. Que ce demain soit
aujourd'hui, les 4,5 et 6 novembre ou plus lointain.
1936 avait commencé en 1933. Ce n'est qu'un commencement."